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l’univers de Shakespeare, c’est aller et venir entre le plein d’une œuvre et le
vide d’une biographie que le loquace dramaturge s’est gardé d’alimenter :
pas de notes d’écrivain, pas de correspondances conservées, tout au plus
quelques traces égrenées chez des notaires ou dans les archives de sacristies,
peu de choses, presque rien, « …and curst be he y moves my
bones. » (et maudit soit celui qui remue mes os), nous rappelle son épitaphe. Pourquoi ne pas
laisser l’homme tranquille et se contenter d’écouter ses personnages, entraînés
par leurs passions dans le récit qu’ils élaborent en restant fidèles à
eux-mêmes ? Parce qu’en dépit de la folle variété des situations qu’ils
traversent, épiques ou cocasses, il y a quelque chose de commun à eux tous,
c’est un même ressort dans la manière de saisir la vie, de brosser des fonds de
tableaux, de faire pirouetter les phrases. C’est ce qu’on appelle le style,
dont la singularité à chaque instant ressuscite auprès de nous une présence
affairée, souriante, aiguë dans le regard, gaillarde dans le commentaire,
aimant provoquer les contraires et attiser les extrêmes, débordant de
gentillesse même quand il lui faut côtoyer la méchanceté, bref la présence de Shakespeare.
Le public était si content de l’applaudir et nous, nous ferions mine de le
méconnaître ! Puisque nous ignorons sa vie privée, guettons-le dans les
coulisses de ses textes pour qu’il nous fasse entendre sa vérité, dont il était
si fier, qui a tant de goût. Oui, que la vérité ne soit pas dissociée d’une
saveur, c’est déjà tout un art de vivre : une vérité juteuse, qui se
régurgite douceâtre ou épicée, amère ou pleine de miel, et d’autant plus
convaincante que ses senteurs sont fortes, qu’elles soient âcres ou fétides.
Donc des
personnages très diserts, un auteur très discret et néanmoins une relation
familière, indéfectible, entre eux et leur créateur : l’approche est
simple, à partir de laquelle, pourtant, on hésite et on s’interroge. Quel fut
le degré d’autonomie d’un personnage, dans son apparition, dans sa course, dans
son positionnement vis-à-vis de ses comparses, dans sa destinée ?
N’existait-il pas bien avant d’apparaître sur scène, dans quelle limbes
s’était-il alors tenu tranquille, attendant son heure, frappant à l’huis, sommé
d’attendre, faisant irruption, occupant tout l’espace, récupérant le talent du
dramaturge, le poussant à bout avant de finir parfois sous le tranchant d’une
arme blanche, ce qui faisait goûter à Shakespeare l’exquise douleur de
mourir, par procuration ? Représentait-il l’une des nombreuses facettes
d’une personnalité polymorphe ou était-il né du penchant de l’écrivain à
épouser l’une après l’autre les causes les plus diverses et leurs contraires,
comme s’il prenait plaisir à donner raison à l’adversaire, à se voir en
difficulté ? « Parviendras-tu à t’en tirer ? », demande le
personnage à William, demande William à son héros, se demande Shakespeare à
lui-même.
Très bien, très bien, mais que faites-vous des personnages portant
jupon, de quelles sources leurs eaux ont-elles jailli ?Lien pour accéder au document complet
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